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LA DOUBLE MAÎTRESSE

innocentes qui ne sont point les moins redoutables.

Au seul nom de l’amour, Nicolas se fût méfié de ses atteintes. Il avait pour s’en défendre toute la sévérité de son éducation, les secours d’une solide piété, tous les principes de réserve et de raison dont on avait pris tant de soin à lui inculquer les garanties, mais les manèges de Julie n’éveillaient en lui aucune alerte. Son ignorance des surprises des sens le mettait à leur merci. Il vivait dans un émoi continuel dont il se rendait mal compte, et Julie ne lui laissait aucun répit tout le jour et même la nuit.

La plus extrême liberté les favorisait. Mme de Galandot avait eu besoin de la petite chambre que Julie occupait auparavant près de la sienne, pour en agrandir la resserre où elle renfermait ses fioles et ses bocaux. C’était une vraie boutique d’apothicaire qu’elle avait là sous la main. Tout y était étiqueté avec soin et rangé en fort bon ordre. Au plafond pendaient de gros paquets d’herbes sèches. Il y avait même dans un coin de la pièce tout un assortiment de seringues de tailles diverses. On respirait là une odeur aromatique et fade que Mme de Galandot emportait partout imprégnée dans ses vêtements.

Pour loger ses drogues, elle avait relégué Julie au bout d’un long corridor sur lequel s’ouvrait aussi l’appartement de Nicolas. Le couvre-feu sonné et le château endormi, commençait, pieds nus sur le carreau, la course des bougies. Julie inventait mille prétextes pour relancer Nicolas et c’était, dans la