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XII


Certes, en arrivant à Pont-aux-Belles, Julie avait été conduite, par l’ennui qu’elle y pressentait, à s’occuper de son cousin Nicolas. D’autant mieux qu’il se trouvait là être le seul homme sur qui elle pût exercer sa nouvelle coquetterie et essayer la force neuve de ses charmes. Il s’y ajoutait l’instinct et le désir d’être regardée et admirée, un besoin de se montrer, d’être touchée et caressée comme un jeune animal familier qui se frôle et cherche la main. Elle avait l’échine souple et voluptueuse des jolies bêtes.

Ce qu’il y eut d’admirable et d’assez particulier, c’est qu’entre elle et son cousin jamais un mot d’amour ne fut prononcé. Tout se passa en jeux et en badinages sans qu’il s’y mêlât rien de sentiment ni aucun terme qui pût avertir Nicolas de la bague qu’il courait en aveugle et les yeux fermés ; aussi s’abandonnait-il naïvement aux sensations agréables qu’il éprouvait en la compagnie familière de cette belle fille, rieuse, violente et vive. Le bon abbé Hubertet, en l’avertissant des périls de l’amour, avait négligé de lui enseigner que la volupté prend toutes les formes, même les plus