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LA DOUBLE MAÎTRESSE

réfugiée sous les rideaux de son lit, regardait faire Nicolas, la tête passée par la fente de l’étoffe. Il allait et venait aux quatre coins, levant les bras contre les intruses, car souvent ce n’était plus une chauve-souris, mais deux ou trois, qui voletaient au plafond et qu’il s’agissait de déloger. Elles tourbillonnaient en voltes rapides. Leur vitesse semblait les multiplier aux yeux du pauvre Nicolas. Elles lui paraissaient nombreuses, insaisissables, vertigineuses, puis, tout à coup, elles s’éclipsaient toutes ensemble ou il n’en restait plus qu’une qu’il pourchassait jusqu’à ce que le bâton finît par l’atteindre. Quelquefois elle tombait sur le carreau, blessée et encore vivante avec de petits cris plaintifs. Un coup porté l’achevait et elle mourait avec un frémissement diminué de ses ailes membraneuses. Le plus souvent la petite bête tombait de suite, assommée et toute molle, et restait à terre comme une feuille morte. Alors Julie sortait de sa cachette et, le bougeoir à la main, venait examiner la victime. Elle regardait son corps velu et, écartées en leur délicate structure presque végétale, les larges ailes onglées, brunes, transparentes et sèches, par le bout desquelles Nicolas la prenait avec dégoût et, d’un geste, la lançait, par la fenêtre, dans la nuit.

Il était tard. Julie se recouchait et Nicolas ne s’en allait pas sans avoir, dans l’adieu prolongé en badinage, senti sous les toiles le corps souple, agile et tiède de sa peureuse amie.

Ces contacts laissaient à Nicolas les mains énervées et inquiètes. Il lui était venu un besoin de