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LA DOUBLE MAÎTRESSE

il ira loin dans l’amour » ; aussi mettait-il grand soin à le contenter, encore qu’il fût récent à la ville, sans aucune aventure marquée qui l’eût pu mettre en valeur, mais il augurait bien de lui, le jugeant jeune, bien tourné et passablement riche.

Si M. Laverdon aimait l’argent chez les autres, il ne le dédaignait pas pour lui. À l’aise, et tout en demeurant à son rang, il entendait le bien tenir. Il s’habillait avec recherche et décence et portait au petit doigt un solitaire de fort bonne taille.

C’était dans ce costume que M. Laverdon se tenait debout, ce jour-là, au dossier du fauteuil où François de Portebize était assis, en peignoir, à sa toilette. M. Laverdon tournait autour de lui, ajustait une boucle, clignait de l’œil ; puis il recula de trois pas. Il ne restait plus qu’à poudrer.

Laverdon y excellait. Certes ses perruques étaient bonnes et du meilleur goût, mais sa poudre surtout était incomparable. On reconnaissait un homme poudré par Laverdon à je ne sais quoi de discret et d’audacieux, de subtil et de hardi, d’improvisé et de définitif.

M. de Portebize se tenait le visage caché dans un long cornet de carton. Il attendait. M. Laverdon rôdait à pas furtifs, sa boîte à la main, la houppe levée.

Ce fut d’abord un voltigement impalpable. La perruque blonde blanchit légèrement. Laverdon allait et venait, tantôt avec de grands gestes, tantôt avec de petits mouvements. Ses escarpins craquaient. Un nuage blanc s’épaississait peu à peu,