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LA DOUBLE MAÎTRESSE

que vous tardez bien à jouir de votre nouvelle fortune, car vous ne pensez pas employer les loisirs qu’elle vous donne à tenir compagnie à une vieille femme de province qui vit à la paysanne du produit de sa terre et du fruit de son jardin, non plus qu’à vous casser la tête au sujet d’un bonhomme que vous n’avez jamais vu. Vraiment, mon fils, vous vous embarrassez là de soins inutiles. Pour ce qui m’en regarde, je vous tiens quitte. Mais reprenez de cette volaille. Elle est cuite à point et le petit laquais vous la va repasser pendant qu’elle fume encore. Elle vient d’une de vos fermes ; c’est là que je l’ai fait prendre, car les miennes n’en nourrissent pas de pareilles et les domaines qui vous échoient de M. de Galandot valent mieux que ceux dont vous hériterez jamais de moi. »

L’oncle Galandot laissait en effet de fort bonnes terres, mais moins d’écus comptants qu’on y eût pu compter. M. Lobin, successeur de Me Le Vasseur, en avait averti M. de Portebize, quand celui-ci le vint voir au sujet de la succession de son oncle. Le notaire lui apprit que M. de Galandot, après de longues années d’économie et une épargne considérable, l’avait presque entièrement dissipée sur la fin de sa vie en sommes à lui payées à Rome entre les mains d’un M. Dalfi, banquier. Malgré ces brèches, la cassette contenait encore de beaux deniers et la source en restait intacte. François se fournit du nécessaire, prit congé de sa mère et fit route vers Paris où il débarqua, le cœur léger et les poches pleines.

Son premier soin fut d’acheter une maison. Il