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LA DOUBLE MAÎTRESSE

la choisit rue des Bons-Enfants, proche le Palais-Royal, commode et point trop grande. Il en meubla l’intérieur de bons meubles, l’écurie de bons chevaux et la remise de bons carrosses. Son cocher fut gros et robuste, adroit à bien conduire et à éviter les embarras et les bourbiers. Ses deux laquais savaient leur métier. L’un se nommait Basque, l’autre Bourgogne, quoi qu’ils fussent l’un Picard et l’autre Auvergnat. Ils portaient bien la livrée et en montraient les vices ordinaires qui sont la platitude et la friponnerie, la sournoiserie et l’arrogance.

En cet équipage, M. de Portebize battait Paris à son gré, du cours aux boulevards et partout où il lui plaisait d’aller.

Il dormait tard dans un lit moelleux, étonné de ne plus entendre la cloche qui, au dortoir du collège de Navarre, le réveillait dès l’aube, ni la boute-selle qui, au régiment, le mettait debout à l’aurore, les pieds aux étriers, la bride en main, en compagnie de ses amis MM. de Créange et d’Oriocourt.

Tout lui semblait à souhait. D’ailleurs Paris, ce jour-là, était clair et pimpant. Un froid assez vif achevait de sécher la boue. Le soleil brillait. Les rues étaient animées. Il regardait, par les vitres givrées des portières, les carrosses qui croisaient le sien. Il apercevait des hommes élégants et des femmes parées. La disposition de sa journée lui paraissait particulièrement heureuse. Divers achats la devaient occuper. Il imaginait déjà les sourires engageants des jolies ven-