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LA DOUBLE MAÎTRESSE

La porte de l’appartement de M. l’abbé Hubertet présentait un aspect assez singulier. Elle était colorée en rouge brun et, au milieu du panneau, montrait, dessiné assez grossièrement, un masque antique. Sa grosse face, aux yeux en boule et au nez camard, riait, du vermillon aux joues. La grotesque figure faisait judas. On pouvoir voir du dedans par sa bouche grillée. La porte d’ailleurs était entr’ouverte. M. de Portebize, sans autre façon, donna du poing dans le nez du mascaron et se tint sur le seuil sans entrer.

On apercevait une assez vaste pièce carrée. Le carreau luisait. Des livres sur des rayons de bois garnissaient les murs de haut en bas. Une petite odeur d’oignon avertissait l’odorat que la cuisine n’était pas loin et que la nourriture du corps voisinait avec celle de l’esprit. L’appartement devait être assez resserré puisque les parfums du fourneau pénétraient jusque dans la bibliothèque. M. de Portebize fit quelques pas et se mit à regarder autour de lui.

Au bas des murs s’alignaient des fragments de vieilles pierres. On trouvait là des débris de chapiteaux où se distinguait encore la volute d’une acanthe, des morceaux de statues et d’autres restes de sculpture et, dans un coin, debout, en sa corpulence élégante, une grande urne de bronze verdâtre. M. de Portebize, de la pomme de sa canne, frappa la panse rebondie du vieux vase, il en sortit un son mélangé de cloche et de chaudron auquel M. de Portebize s’attendait à voir apparaître quelque servante bougonne ou quelque bedeau crasseux.