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LA DOUBLE MAÎTRESSE

saient tout son appartement qui consistait, outre la bibliothèque, en deux autres pièces et en un réduit où couchait M. Hubertet dans un grand lit de cotonnade rouge dont le haut édredon semblait une allusion à la protubérante personne du dormeur.

M. de Portebize regardait avec distraction les objets que lui désignait la jeune fille. Elle l’intéressait beaucoup plus qu’eux. Comme il commençait à faire sombre, elle avait allumé un bougeoir dont elle les éclairait. Elle allait ainsi, familière et vive, puis courait à la porte, disant : « Ah ! j’entends le pas de M. l’abbé », pour revenir ensuite vers M. de Portebize.

— « Faites excuse, Monsieur, j’ai bien cru que c’était lui. Mais il est si lambin, le cher homme ! Une fois dehors, il va, il va… Sans compter qu’il s’arrête pour parler au premier venu. C’est comme cela, du reste, que je l’ai connu. J’étais toute petite. On m’envoyait chez la laitière. Je rapportais mon petit pot. Mais je ne revenais pas tout droit et je courais avec les polissons du quartier. Je posais mon pot à terre. C’est ainsi qu’un gros chien qui passait s’avisa une fois de boire le lait. Je n’osais plus rentrer et je pleurais sur la borne devant ma cruche vide. Je serais restée là jusqu’au jugement sans l’abbé Hubertet qui me ramena par la main chez mes parents. »

Au bout d’assez peu, M. de Portebize sut beaucoup de choses sur elle-même par Mlle Fanchon : que l’abbé Hubertet avait fini par prendre chez lui, l’orpheline, et qu’elle y demeurait depuis six ou sept ans, son père et sa mère morts. Et M. de Por-