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LA DOUBLE MAÎTRESSE

milieu d’elles, dressée sur ses pointes, elle s’arrêtait, tous les regards fixés sur son geste.

De sa main haute, elle laissait lentement se dérouler le long fil d’or, puis elle l’enroulait gracieusement au poignet de Thésée et lui montrait l’entrée du labyrinthe, en lui faisant signe de s’y engager. Les chœurs prosternés imploraient. Les contrebasses mugissaient sourdement, les trompettes éclataient en fanfares guerrières, et le héros disparaissait entre deux rochers par l’ouverture béante du funeste repaire.

Alors commençait une danse qui était, au dire de tous, le triomphe de Mlle Damberville.

Les pas compliqués d’Ariane indiquaient les détours du labyrinthe. Elle avançait avec précaution ou reculait brusquement comme devant quelque obstacle, puis repartait, s’arrêtait de nouveau, pirouettait dans un tourbillon argenté. Elle imitait les tâtonnements de la marche dans les ténèbres, les hésitations de la route ; elle exprimait les terreurs de la nuit, les embûches souterraines, et enfin la rencontre monstrueuse, la lutte, la victoire et le geste du pied foulant la tête bestiale, le retour à la lumière. Elle se précipitait haletante et avide à l’entrée du labyrinthe, les bras tendus vers le vainqueur qu’on ne voyait pas encore, mais dont la musique annonçait par sa joie l’exploit héroïque et sauveur.

Mlle Damberville ne se montrait pas moins admirable au troisième acte quand Neptune amène Bacchus vers Ariane. Le monde marin se mêle alors au peuple rustique. Tritons et Silènes dan-