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LA DOUBLE MAÎTRESSE

dans une même infortune, adressaient leurs adieux à la vie et mimaient leur désespoir. L’orchestre traduisait leur terreur. Les flûtes rappelaient les plaisirs pastoraux dont un sort cruel allait priver à jamais ces jeunesses offertes et votives. Les violons disaient la plainte des filles ; les violoncelles, plus graves, celle des garçons, et le grondement sourd des contrebasses annonçait les mugissements proches du monstre à tête de taureau.

C’est alors qu’apparaissait Thésée, guidé par Ariane. Il portait une soubreveste d’argent moiré avec un dolman. Sa coiffure se composait de cinq boucles de cheveux, poudrées à blanc et surmontées d’un toupet à la grecque. Ses bottines argentées lui montaient à mi-jambes. Ariane le conduisait par la main.

Mlle Damberville était réputée pour la richesse et le bon goût de ses costumes. Sur un fond de taffetas blanc s’ouvrait une jupe couverte d’argent, retroussée par des nœuds en diamants. Une mante formait draperie aux épaules, parsemée de paillettes, imprimée de fleurs et bordée de franges légères. Ariane s’avançait à petits pas. Tout l’édifice scintillant de sa parure tremblait de feux. Une sorte de poussière de givre semblait s’évaporer autour d’elle. Son visage souriait, rose aux joues et rouge à la bouche.

La délicate statue lumineuse, immobile un instant, s’animait peu à peu. À pas légers, elle allait de groupe en groupe, rassurant les tendres victimes qui l’interrogeaient anxieusement ; puis, au