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LA DOUBLE MAÎTRESSE

habits, je me dirigeai à tâtons vers l’échelle que je descendis quatre à quatre et je m’enfuis à travers champs. Je fus assez heureux pour retrouver la route du château. Ma belle muette n’avait pas prononcé une parole et je n’emportais de cette nuit imprévue que le bruit du foin froissé et le souvenir mystérieux de cette bouche invisible et de ce corps obscur et charmant.

— Puisque nous sommes dans le romanesque et que ces histoires semblent amuser Mlle Damberville, dit M. de Parmesnil, je vous dirai que je crois avoir rencontré à peu près l’inconnue de M. de Bercherolles ; seulement, de belle fille de France, elle s’était faite pour l’occasion Chinoise en Chine.

— Nous vous suivrons, Monsieur, où vous voudrez bien nous mener, dit M. de Bercherolles, et j’ai hâte de retrouver ma belle silencieuse.

— Vous allez la reconnaître, répondit M. de Parmesnil, et il commença en ces termes :

— « Nous avions remonté le fleuve Jaune sur une grande jonque dorée qui portait à l’avant un dragon vert. Les rives de roseaux cessèrent et nous longeâmes une côte habitée. Elle était bordée de pagodes et de petits tombeaux. Enfin nous nous amarrâmes au port d’Hanoï-Phong entre deux gros pilotis peints et sculptés de masques grimaçants. Nous vîmes bientôt arriver le premier mandarin qui, avec beaucoup de politesse, nous souhaita la bienvenue et nous invita à lui rendre visite. Sa maison, qui nous parut fort belle, était située au bord de l’eau dans un jardin qui conte-