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LA DOUBLE MAÎTRESSE

nait quantité de kiosques et une tour de porcelaine. On nous introduisit, après force cérémonies, dans une salle longue où, sur une petite estrade, se tenait la fille de notre hôte, la céleste Tung-Chang. Une collation se trouvait préparée où l’on nous servit maints plats bizarres auxquels nous goûtâmes par curiosité et par courtoisie.

« Le mandarin était un vieil homme ; il portait une robe de soie rouge et verte à petits boutons et une sorte de calotte ronde d’où pendait par derrière une queue nattée.

« Tout se passa le mieux du monde et nous nous quittâmes, en bons termes, avec la permission de laisser notre jonque amarrée au port et l’autorisation de parcourir le pays environnant. J’y employai mes journées. J’étudiais les usages et les plantes. Vers le soir, j’allais souvent me promener au jardin du mandarin. Les allées étaient saupoudrées de sables de couleurs diverses. Çà et là, une boule de cristal pleine d’eau, posée sur une colonnette, contenait de baroques poissons. Ils étaient d’or rouge, d’or jaune ou d’or vert et comme bossus, avec de gros yeux, des nageoires déchiquetées et des barbes filamenteuses.

« Je rencontrais parfois la céleste Tung-Chang qui venait leur donner à manger. Nous nous saluions de loin avec les simagrées d’usage en cette contrée biscornue. Tung-Chang portait plusieurs robes de longueurs inégales et de couleurs différentes, superposées et serrées à la taille par une large ceinture nouée par devant. Sa chevelure était coiffée en grosses coques hérissées de