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LA DOUBLE MAÎTRESSE

avait attiré à lui une bouteille et s’en versait du vin. M. de Portebize restait silencieux. L’oncle Galandot prenait, si l’on peut dire, corps à ses yeux et, tout joyeux, comme pour saluer ce nouveau venu, M. de Portebize atteignit la bouteille de l’abbé et s’en versa à son tour. Il finissait de boire quand M. Hubertet reprit :

— « Je parlais quelquefois à votre oncle de la vigne de mon ami le cardinal Lamparelli. Elle était au bout de son jardin de Rome. Nous étions assis sous le pampre un jour où les ouvriers, non loin de nous, fouillaient le sol. En exécutant des travaux d’agrément, ils avaient mis à découvert des restes antiques. Le terrain rendait des débris de poteries et des médailles que nous examinions à mesure, quand on nous vint dire que la pioche mettait à nu un bras de statue. Nous courûmes à l’endroit. Ah ! Monsieur, ce bras sortait de terre à demi, sa main brisée semblait implorer notre aide. Bientôt les épaules apparurent, puis la tête et le corps entier de la Vénus. Son marbre brillait par places sous l’écorce terreuse qui la couvrait. Lamparelli dansait de joie et moi, à genoux dans la poussière, j’embrassais la belle main mutilée. Il faisait un grand soleil. Le cardinal n’en resta pas là ; une fois moi de retour en France, il continuait de m’avertir par lettres de ses trouvailles et je crois que ces récits furent pour quelque chose dans la résolution subite de votre oncle de partir un beau jour pour Rome.

« Mon étonnement fut extrême et partagé par tous ceux qui connaissaient M. de Galandot. Rien de