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LA DOUBLE MAÎTRESSE

ce que nous pûmes lui dire ne parvint à le détourner de son projet. Nous nous y accoutumâmes et il l’exécuta. Il emportait des lettres pour le cardinal Lamparelli. Une fois parti, notre Romain nous laissa sans nouvelles. Je n’en reçus jamais d’autres que cette urne de bronze que Fanchon vous aura montrée chez moi, à gauche, près de la porte et qu’il m’envoya, un an à peu près après son arrivée là-bas. Ce fut tout. Nos amis moururent un à un, je restai seul de la petite société où il bornait ses relations. Nous y parlions souvent de lui, mais je ne m’étonne pas que son nom ne soit jamais parvenu jusqu’aux oreilles de M. de Kerbis, pas plus qu’il ne me surprend que sa tête ne passât jamais par les mains de M. Laverdon. Il n’était point leur fait. Sans vous j’ignorerais encore que mon pauvre Nicolas a cessé d’être.

« Ne pensez point, Monsieur, me voir insensible à sa mort ; ce n’étaient point des regrets que vous demandiez, mais une image exacte qui vous aidât à vous représenter celui qui n’est plus et qui risquait pour vous de ne jamais être. J’ai fait de mon mieux ; je vous ai présentés l’un à l’autre. Saluez-vous donc et prenez congé de lui. Croyez-m’en, Monsieur, ne vous attardez point trop au souvenir de quelqu’un qui ne fut ni de votre âge ni de votre temps. Vous avez satisfait à un délicat devoir de politesse mortuaire dont le souci vous honore. Le plaisir vous appelle. Quittons ce sujet et rompons ce propos. Vous voici en règle avec M. votre oncle et en retard avec Mlle Damberville qui vous regarde avec complaisance. Rendez-lui vos yeux ; sa gorge