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LA DOUBLE MAÎTRESSE

eût aussi bien pu traduire en chinois ou en persan la harangue du gros Anglais. Il se trouvait donc, l’autre année, à Rome, où il avait fait connaissance d’une courtisane nommée la signora Olympia. La belle lui plut et il alla assez fréquemment coucher chez elle.

« Or, un matin qu’il dormait encore, il vit, en ouvrant à demi les yeux, un homme assez vieux qui posait sur un fauteuil, soigneusement brossé, l’habit que milord avait quitté la veille au soir. Le personnage portait également à la main les souliers. Il faut vous dire que M. Tobyson, qui a le pied grand, tient beaucoup au bon état de sa chaussure. Il avait eu, sous ce rapport, à se plaindre de la négligence des valets romains. Celui-là, au contraire, lui rapportait des souliers admirablement luisants. M. Tobyson, charmé de cette nouveauté, eut l’idée de demander à la signora de lui céder ce serviteur. À cette demande l’Olympia fut prise du fou rire. Le faux valet n’était autre qu’un gentilhomme français, fort riche. Non seulement la dame en tirait de fortes sommes, mais encore elle lui imposait les travaux les plus rebutants de l’office, de l’antichambre et de l’alcôve. »

L’histoire de M. Tobyson fut fort bien accueillie ; à peine fut-elle finie que le chevalier de Gurcy, se levant de la table, s’écria tout haut de sa grosse voix enrouée :

— « À la bonne heure donc, Messieurs ! ce gentilhomme domestique me plaît et voilà, pour de bon, qui est aimer. »

L’enthousiasme soudain de M. de Gurcy fit brou-