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LA DOUBLE MAÎTRESSE

rait point. Il éclatait en invectives contre M. de Portebize, qu’il accusait d’ingratitude et contre Mlle Damberville dont il maudissait le procédé. D’heure en heure il accablait l’infidèle de lettres furieuses et griffonnées qui restaient sans réponse.

Chaque jour, il venait rafraîchir sa colère sur le lieu même de son déshonneur, et il l’emportait avec lui toute nourrie d’une force nouvelle. Malgré ses cris et ses tempêtes, la grille de la maison de Chaillot demeurait obstinément fermée.

En vain il parlementa avec le portier, de qui ni son tapage, ni ses menaces ne pouvaient tirer autre chose, sinon que Mlle Damberville avait donné l’ordre de ne laisser pénétrer qui que ce fût. M. de Gurcy enrageait en vain. Quand il était las de crier et de montrer le poing à son rival invisible, il s’épongeait le front et s’asseyait sur une borne, d’où un sursaut de jalousie le relevait brusquement d’un bond, et il recommençait à geindre et à hurler.

Cela dura presque une semaine. Le plus beau, c’est qu’à force de rencontrer là Basque et Bourgogne, qui y venaient à la même heure, il avait fini par les prendre pour confidents de son infortune.

Basque surtout lui plaisait. Il avait une longue mine maigre et goguenarde et écoutait avec respect les doléances du chevalier qui ne tarissait pas en injures contre M. de Portebize. Basque et Bourgogne semblaient entendre avec un muet plaisir leur maître traité de vilain, de gueux et de voleur. Ils s’en poussaient le coude aux bons