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LA DOUBLE MAÎTRESSE

endroits et ricanaient tout bas. M. de Gurcy s’emportait davantage. Le portier derrière la grille riait tout haut. Le cocher de son siège se tenait le ventre.

Quelquefois des passants, croyant à quelque querelle de valets en ribotte, voulaient s’interposer et appeler le guet. Le cocher les rassurait, se touchait le front du doigt et faisait comprendre aux curieux que l’énergumène avait la tête dérangée et la cervelle à l’envers.

— « Oui, Basque, ton maître est un pendard, hurlait M. de Gurcy ; oui, Bourgogne, un malotru ; retiens bien cela et fais-en ton profit ; et pourtant je l’aimais, ce garçon ; il me plaisait, et voilà comment il me récompense ! Il me voit ivre sous la table, me prend ma maîtresse et me fait fermer sa porte, et tout cela sans même me prévenir. Et pourtant je l’aimais, ce drôle, et je vais être forcé de lui trouer la peau en vingt endroits et d’aller avec lui sur le pré. »

M. de Gurcy prenait alors un visage de circonstance.

— « Regarde bien, Basque, continuait-il, et toi, Bourgogne, attention ! On arrive sur le terrain. On met habit bas. Les épées sont de même longueur. Je me fends, il pare, je riposte, il rompt, je me fends, je l’atteins. Il tombe… Le médecin se penche : « M. de Portebize est mort. » — Ah ! il est mort, M. de Portebize. Eh bien, sur ma foi je le regrette, Monsieur ; c’était un bon compagnon et voilà ce que c’est que de nous ! » Et tout cela, vois-tu, Basque, pour une demoiselle Damberville. »