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LA DOUBLE MAÎTRESSE

éclats. Ses lèvres fraîches montraient ses dents blanches. La gaieté gonflait son cou souple, et les pampres flexibles de sa coiffure s’agitaient comme au vent. Puis elle redevint sérieuse ; elle parut réfléchir.

— « Ce qui me fâche, Monsieur, je vais vous le dire, continua Fanchon en baissant la tête avec une moue. C’est moins encore de quitter M. l’abbé que de penser que je lui doive tant sans avoir aucun moyen de m’acquitter envers lui. Je voudrais tant lui faire plaisir ! On dit que je suis jolie et que les hommes aiment fort la jeunesse et la première fleur des filles. Ah ! que je regrette donc que M. l’abbé soit d’un âge à ne plus pouvoir profiter de ce que je lui donnerais si volontiers ! Ah ! pourquoi la nature, en le faisant si vieux, m’a-t-elle enlevé l’unique moyen qui m’eût permis de ne point rester ingrate envers lui ? Mais je déraisonne, Monsieur, excusez ma simplicité. »

M. de Portebize, en écoutant Mlle Fanchon, regrettait maintenant de n’avoir point, au lieu de M. l’abbé Hubertet, mérité sa reconnaissance. À la façon dont elle entendait récompenser les bienfaits, M. de Portebize eût aimé lui avoir rendu quelques services. Il la trouvait charmante, tout animée encore de son récit.

— « Prenez garde, Mademoiselle, de vous troubler l’esprit et de vous gâter le visage ! Les pleurs et les soucis ne valent rien à la beauté. Il y a de meilleurs sujets à vos pensées. Songez que le public n’attend pas de vous des soupirs et des yeux battus. Il faut, pour lui plaire, un air de contente-