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LA DOUBLE MAÎTRESSE

— « Et ce bon M. Hubertet qui a pensé à tout ! Il m’a loué un petit appartement dans le voisinage du théâtre, juste dans la maison de M. Darledel, mon maître à danser. J’y habiterai avec la tante de cette Nanette que vous avez vue et qui fera mon service. Sa tante est pauvre et pieuse, et l’abbé viendra dîner trois fois la semaine.

— Voilà qui est parfait, mademoiselle Fanchon, et il n’y a point là de quoi pleurer.

— Mais que va devenir M. Hubertet ? Qui époussetera ses livres et ses médailles ? Et puis, voyez-vous, Monsieur, j’étais heureuse, et tout ce changement m’effraie un peu. Hier je ne voulais plus aller répéter, et c’est M. l’abbé qui m’y a conduite. M. Hubertet s’entend fort bien en danse. Ah ! que j’étais donc troublée ! Mais, quand je l’ai vu assis sur la scène où on lui avait apporté une chaise, je me suis trouvée tout à l’aise. Je dansais. Je le voyais rire de satisfaction, se pencher en avant, les mains aux genoux, se rejeter brusquement en arrière. Il me faisait des signes. Je me sentais plus légère et plus adroite, et, quand j’eus fini, je me suis jetée à son cou. Toutes ces demoiselles m’ont imitée et tout le monde l’a embrassé. Il se débattait à force. C’était une véritable bagarre, mais on s’acharnait contre lui. L’une le tirait par son collet, l’autre par sa manche, si bien qu’à la fin ce pauvre M. Hubertet était tout blanc de poudre et qu’il fallait le voir rajustant sa perruque et redressant son rabat, rouge d’embarras, mais riant tout de même ! »

Et Fanchon, à ce souvenir, riait aussi à grands