Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/288

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lançant des pluies de petits papiers multicolores qui tombaient en tourbillonnant comme un vol inépuisable de papillons légers et incertains.

Parfois un grand char passait, chargé de figures comiques. On y voyait des grotesques et des bergamesques. Les visages de farine y riaient aux faces de vermillon. Quelques-uns s’étaient affublés de figures d’animaux. Les becs et les groins se querellaient. Des crêtes de coq démesurées y oscillaient vis-à-vis d’oreilles d’âne gigantesques. De grands éclats de rire saluaient les inventions les plus baroques. Les grimaces répondaient aux facéties.

En un instant, M. de Galandot, effaré de cris et ébloui du soleil qui faisait de toute la rue une sorte de remous coloré, fut criblé de confetti, harcelé de banderoles, bousculé, houspillé, enfariné. Il était le point de mire de tous les gestes, le sujet de tous les rires. Son arrivée à l’improviste satisfaisait, sans qu’on sût pourquoi, cette attente d’imprévu qui est le sentiment secret de toute foule. Sa mine ahurie augmentait la gaieté. Il allait et venait, sans savoir où ni comment se tirer de là, perdu dans la bagarre qu’il causait autour de lui. La cohue amusée trépignait. Les galopins commençaient à lui pincer les jambes, quand, tout à coup, il se sentit jeter sur les épaules un ample domino et poser sur le visage un masque de carton. Quelque passant sans doute avait voulu achever ainsi l’ahurissement de ce tranquille promeneur qui semblait tombé là de la lune ; mais ce déguisement improvisé eut l’heureux effet de le confondre avec la mascarade environnante, et