Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/289

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M. de Galandot en profita pour, parvenu à l’angle d’une rue, s’enfuir à toutes jambes.

Ce fut dans cet accoutrement qu’il rentra chez lui. La vieille Barbara, de surprise, laissa, à sa vue, tomber une écuelle qu’elle tenait à la main, devant la tête de bouc en carton peint qui se présenta à ses yeux sur les épaules de son digne maître ; et elle ne revint à elle que lorsqu’elle vit reparaître, sous le masque enlevé, la figure barbouillée, suante et défaite de M. de Galandot, car il eut grand’peine à reprendre ses esprits et resta presque malade de la peur qu’il avait eue, si bien qu’il fut plus d’une semaine sans oser sortir de chez lui.

Durant cette retraite, il passa une grande partie de son temps auprès de Barbara. Presque chaque jour déjà auparavant il ne manquait guère de descendre aux cuisines où la bonne femme allait et venait, son chapelet aux doigts, à travers la vaste pièce à demi obscure. On y respirait une odeur de légumes fanés et d’huile rance, à laquelle se mêlait un parfum de cendre froide et de bois brûlé. M. de Galandot aimait à s’asseoir auprès de l’âtre. Une flamme mince et comme paresseuse chauffait le fond d’un vieux chaudron de fonte. La suie le rendait velouté et doux à l’œil. L’eau bouillait avec son petit bruit vif et clair. Au plafond se balançaient des couronnes d’oignons et des guirlandes d’aulx. Parfois une poule entrait et venait à pas prudents jusqu’au foyer. La clarté du feu se reflétait dans le point lumineux de son petit œil rond. Elle piquait une graine du bec et s’enfuyait à