Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/298

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Tant de régularité à une vie si médiocre, une dépense presque nulle n’avaient point empêché M. de Galandot d’aller lever, chez M. Dalfi, une partie des sommes que son intendant y faisait parvenir de France. Après en avoir distrait le peu qui lui en était nécessaire, il rangeait méthodiquement le reste dans les amphores de terre cuite que lui avaient trouvées Barbara et qui garnissaient une longue planche placée au-dessus de son lit. Chacune avait maintenant un ventre plein d’or. Barbara ne se doutait guère de ce que contenaient leurs panses rebondies, sans cela elle en eût perdu le repos et le sommeil, par crainte des voleurs, car les portes fermaient mal, malgré leurs grosses clés, et la villa, à l’écart dans un quartier de jardins et de vignes, était assez isolée ; mais elle semblait si vide et si délabrée qu’il ne fût jamais venu à l’idée de personne qu’elle pût recéler autre chose que de la poussière et des toiles d’araignée.

M. de Galandot, ne se mêlant à rien ni de rien, vivait donc tout à fait inconnu. Personne ne s’occupait de lui, Rome lui donnait entièrement ce qu’il désirait d’elle, le repos et la liberté. Il avait même perdu peu à peu le goût des antiques auquel, naïvement, en lui-même, il attribuait la raison de son voyage, car M. de Galandot n’allait pas loin dans ses pensées et se contentait des plus immédiates, et il croyait de bonne foi avoir fait un voyage de curieux. L’utile manie que l’abbé Hubertet et ses amis lui avaient inventée, au lieu de s’accroître parmi les vestiges d’un passé où il