Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/297

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d’une façon rauque et douce ; elle était presque intermittente, semblait faillir ou s’accroître à intervalles irréguliers. M. de Galandot connaissait si bien son bruit familier que parfois il l’entendait la nuit, dans son sommeil. Il venait là, de préférence, au déclin du jour. Peu à peu, le soir arrivait. Les figures de bronze semblaient se roidir. La dentelure de la haute coquille se dessinait noire sur le ciel encore clair. Une dernière colombe roucoulait une dernière fois. Alors M. de Galandot se levait pour rentrer chez lui ; il avait achevé sa journée.

Il passa plusieurs années ainsi sans qu’aucune vînt apporter à sa vie aucun changement autre que celui des saisons. Il avait déjà usé cinq des douze habits qu’il avait achetés à Paris et autant de perruques. Quand les coutures blanchissaient, que l’étoffe s’élimait, que les coudes se trouaient, il ouvrait une de ses caisses de voyage toujours rangées le long du mur et il en tirait un nouveau vêtement en tout point semblable au précédent. La vieille Barbara recueillait avec soin la nippe de rebut. Elle la pendait dans un cabinet noir et venait parfois avec ses ciseaux y couper un morceau d’étoffe dont elle avait besoin pour quelque usage domestique. Quant aux vieux souliers que laissait son maître, elle en faisait des mangeoires pour sa volaille ; on les retrouvait dans la cour, à demi pleins de graines, tandis que des perruques retournées de M. de Galandot elle se servait comme de nids à faire pondre les poules ou couver les pigeonnes.