Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/302

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des sorbets. On jouera au pharaon. Faites vos jeux, Messieurs ! La rouge passe. Pontez ferme. La banque saute. Et qui empoche ? C’est le seigneur comte de Galandot, ce gentilhomme français qui nous vint l’autre année. Son carrosse est avancé. « Ah ! le bel homme ! Et bien tourné ! Pardi ! c’est Cozzoli qui l’habille ! »

La scène jouée, Cozzoli n’en était pas tout à fait pour ses frais. M. de Galandot tenait à son gros habit gris et s’y tenait, mais il apaisait le zèle de Cozzoli par quelque présent pour sa femme ou ses filles. La signora était laide et coquette, mais Mariuccia et Theresa étaient jolies et promettaient. Elles avaient l’une douze ans et l’autre quatorze. Elles portaient l’ouvrage chez les pratiques et rentraient tard de leurs courses avec des mines sournoises et friponnes, en se poussant du coude pour rire à la dérobée. Mariuccia prétendait que le vent la dépeignait, et Theresa que les boutons de son corsage ne tenaient pas, quand elles revenaient au logis, l’une ébouriffée, l’autre mal rajustée. Un jour que Mariuccia était allée au palais Lamparelli pour un travail au compte du cardinal, elle tarda tant qu’on s’était mis à table sans elle. La conversation était si animée qu’elle se glissa à sa place sans être remarquée. On parlait de M. de Galandot qui était un fréquent sujet d’entretien dans la famille Cozzoli. Mme Cozzoli, qui était fort superstitieuse, le tenait pour sorcier. Elle savait par dame Barbara que son maître n’allait jamais à la messe. Que pouvait-il bien faire de l’or qu’il prenait chez M. Dalfi, sinon le