Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/321

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une nuit passée aux tables vertes, parmi les comparses dont Angiolino les avait adroitement garnies, se trouva, au matin, sans un sequin des bourses qu’il avait apportées avec lui fort gonflées d’or, et en si piteux état qu’on le ramassa au bas des escaliers de la Trinité, les boutons en brillants de son habit décousus, les poches retournées, les bagues coulées des doigts et la tête si perdue des boissons dont on avait étourdi sa déveine qu’elles le tinrent trois jours à l’hôtel, suant sang et eau, à hurler sur sa chaise percée des coliques qui lui tordaient les entrailles.

Olympia admirait d’autant mieux les bons tours d’Angiolino et son entente à toutes choses qu’elle eût été incapable d’en inventer le quart et d’en trouver l’équivalent. Elle manquait d’intrigue et d’entregent et même des manèges nécessaires à la galanterie. L’attrait et la vue de sa beauté étaient ses seules armes. Il ne lui restait rien de la petite fille malicieuse qui levait sa jupe au nez des vieux milords. Dès que sa vie vagabonde et précaire eut pris fin par les soins de Mme Piétragrita, elle se montra molle, inerte et paresseuse. Elle sortait à peine du palais Lamparelli. À peine si, en temps de carnaval, elle parcourait le Corso, masquée ; mais, une fois hors de son apathie, elle devenait furieuse, brusquement, de plaisir et de bruit, puis retombait le lendemain dans son indolence, interrompue seulement de colères soudaines, qui la dressaient tout d’un coup, injurieuse et brutale, l’œil égaré et les ongles en avant.

Une fois installée chez elle, elle devint de plus