Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/322

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en plus casanière. Elle traînait par les escaliers et les corridors ses robes lâches et de toutes couleurs. L’hiver, elle chauffait aux brasiers ses mains engourdies et restait de longues heures ainsi, le feu aux joues, à se cuire aux braises chaudes. L’été, elle dormait de longues siestes, se réveillait pour croquer des pâtisseries ou des prâlines ou pour aller à son miroir. Elle y regardait son visage et son corps et revenait se reposer. Elle passait aussi beaucoup de temps à sa vigne, étendue sur la balustrade de la terrasse, mangeant une grappe ou quelque autre fruit.

Puis elle rôdait çà et là, pieds nus en des mules de satin jaune qu’elle faisait claquer à son talon et auxquelles jappait un petit chien. Elle recevait des tireuses de cartes et des marchandes de fard. Son indifférence à coucher avec le premier venu était complète. Elle s’en remettait à Angiolino.

Un singulier mélange de luxe et de négligence bigarrait sa maison. Cela allait du sordide au raffiné. On buvait en des verreries dépareillées dont les brèches craquaient sous la dent. Des assiettes de terre commune se mêlaient à des pièces de porcelaine fine. Il y avait aux plafonds des lustres de cristal irisé suspendus à une corde de chanvre. On glissait sur le pavé à des écorces de fruits et à des épluchures de noisettes. Dans un coin, un miroir fendu reflétait un fauteuil à trois pieds. Olympia portait des robes déchirées où les taches ne manquaient pas. Elle avait souvent les mains poissées de confitures. Sa chevelure croulante lui donnait toujours un peu