Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/325

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clochers l’Ave Maria. Il y en avait une assez proche, très lente, très sourde, qui parlait presque à voix basse. C’était celle d’un couvent voisin.

La cloche s’éteignait peu à peu. Une autre, très lointaine, s’obstinait encore. Toutes s’étaient tues, sauf elle. On eût dit qu’elle voulait réveiller les endormies de leur engourdissement progressif, qu’elle les sommait de reprendre leur concert de bronze, qu’elle les sollicitait de s’unir de nouveau en un élan commun, dans une nouvelle entente sonore. Mais l’appel inutile de l’isolée se lassait ; elle essayait encore quelques volées, puis les coups s’espaçaient un à un jusqu’au dernier qui vibrait longtemps dans le ciel vide. Rome disparaissait peu à peu : elle semblait se fondre et se dissoudre dans l’ombre, à moins qu’une lune ronde et argentée ne substituât au jour sa transparence nocturne.

M. de Galandot regardait longuement ce spectacle coutumier, il ne se retournait qu’au pas de Barbara apportant un chandelier qu’elle posait sur la table. La lumière éclairait les plats avec leur petit tas de légumes ou la rondeur des œufs durs qui y roulaient et qui, d’ordinaire, durant le trajet de la cuisine, s’étaient fêlés en entrechoquant leurs coquilles.

Mais, ce soir-là, Nicolas avait trouvé, par hasard, le souper tout préparé qui l’attendait. Barbara se prenait parfois d’un beau zèle. Il fallait pour cela qu’elle eût remarqué à son maître mauvais visage et petite mine. M. de Galandot vieillissait. Sa longue figure osseuse avait maigri. Son