Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/326

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habit, trop large, plissait dans le dos. Ses jambes paraissaient plus décharnées. Avec cela, il semblait triste, et souvent, en marchant, il tournait la tête de l’air de quelqu’un qui regarderait en arrière dans sa vie.

Quelles que fussent les causes de son malaise, il n’en était pas moins visible et il s’y marquait à tout le moins une certaine fatigue du corps. C’était pour la réparer que Barbara avait fait cuire, ce soir-là, une poularde grasse. Aussi resta-t-elle debout derrière la chaise de son maître pour observer sur son appétit l’effet de cette gourmandise. Son étonnement fut grand quand elle s’aperçut qu’il demeurait absorbé dans une rêverie profonde, la main posée sur sa fourchette sans faire aucun mouvement. Il avait tellement l’air d’un homme endormi qu’elle prit peur à le voir ainsi et s’enfuit dans sa cuisine où elle égrena force chapelets en priant Dieu de le désensorceler, car une pareille indifférence devant une volaille si à point ne pouvait manquer d’être la suite de quelque sortilège à qui il devait aussi, à n’en pas douter, le mauvais aspect de son visage et le déclin de sa santé.

M. de Galandot resta longtemps à table. Le poulet en son plat d’étain fuma, puis se refroidit peu à peu dans sa sauce figée. Les œufs immobiles dans l’assiette attendirent en vain ; en vain le pain fit le gros dos sous sa croûte dorée. Les petites olives noires nagèrent dans l’huile jaune. La chandelle charbonna, coula en lourdes larmes. Deux chauves-souris entrèrent par la fenêtre,