Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/327

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volèrent au plafond en circuits interminables. M. de Galandot ne bougeait toujours pas et ce ne fut que la lumière éteinte à ras du chandelier et resté dans l’obscurité qu’il regagna sa chambre à tâtons.

La lune l’éclairait ; elle venait de se lever, et M. de Galandot se mit à marcher de long en large d’un pas égal et monotone. Arrivé au bout de sa promenade, il la recommençait. Cela dura longtemps sans qu’il songeât à se coucher. Cette nuit-là, la première depuis celle qu’il passa jadis dans la bibliothèque de Pont-aux-Belles, le soir du jour où sa mère avait interrompu son entreprise contre la jeune Julie et mis sous clé le coupable, M. de Galandot ne se coucha point. Pour la première fois, il manqua à poser, comme il le faisait d’habitude, son habit au pied de son lit, sur le dossier d’une chaise, les basques bien étalées et les manches pendantes, à plier soigneusement son gilet et sa culotte, à secouer la poussière de ses bas et à les rouler dans ses souliers, à placer sur sa canne appuyée au mur sa perruque et son tricorne.

Peu à peu l’air transparent et bleuâtre de la nuit se désargenta. Il devint gris et poudreux. La lune s’effaça, jaunit et déclina. L’aube vint ; au dehors chanta un coq. M. de Galandot semblait s’éveiller d’un sommeil ambulant. Il s’arrêta dans sa marche, resta un instant indécis, puis se dirigea vers son lit non défait, monta sur les draps et, les bras levés, atteignit sur la planchette où elles s’alignaient une des amphores de terre cuite qui y étaient rangées. Celle qu’il prit était si lourde