Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/334

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Mais M. de Galandot s’était levé tout à coup et, rouge, balbutiant d’une voix étranglée, il dit au tailleur.

— « Monsieur Cozzoli, je viens vous parler… »

À mesure que M. de Galandot parlait, l’ébahissement le plus profond apparaissait sur le visage de Cozzoli. C’était à son tour de s’étonner. Machinalement, il avait ôté son dé et planté son aiguille sur une pelotte. Il agitait ses jambes croisées, se renversait en arrière. Était-ce bien le vrai M. de Galandot qui se trouvait devant lui ou quelque larve nocturne, comme il en rôde, dit-on, dans les ténèbres ; avait-elle emprunté la figure et l’accoutrement ordinaires du digne gentilhomme et se servait-elle de son honnête apparence pour y incarner son fantôme diabolique ? Non, c’était bien M. de Galandot qui lui demandait, confus et rougissant, le nom d’une dame vue la veille à sa terrasse, non loin des jardins de la villa Ludovisi, et qui mangeait une grappe de raisin ; c’était lui qui ajoutait avec embarras qu’il s’était senti à sa vue un grand désir de la connaître et de lui témoigner son estime et le souhait des faveurs de sa compagnie, si rien ne s’y opposait. Il pensait que son ami Cozzoli, dont il avait entendu, par hasard, la voix dans le jardin de la signora, pourrait lui obtenir un entretien qui lui permettrait d’exprimer l’honnêteté de ses dispositions et le désir qu’il avait de pouvoir être utile à une si belle personne. Tout cela paraissait à Cozzoli tellement prodigieux qu’il en restait comme hébété, puis, tout à coup sa stupeur se changea en une hilarité irré-