Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/347

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bizarrement. Puis il se calmait ; sa figure anxieuse se détendait et on n’entendait plus le bout de sa canne que ses mains tremblantes choquaient par terre.

Chaque matin, à la même heure, il sortait de sa chambre. Son pas résonnait dans le corridor. Arrivé à une grande horloge debout en sa gaine de bois peint, il s’arrêtait et attendait, sa montre prête, qu’elle sonnât. Puis il constatait tristement le désaccord entre les aiguilles et la sonnerie, et il restait là, étonné, comme un homme qui aurait perdu le fil du temps, car il n’allait plus, comme jadis, prendre l’heure au cadran à la française de l’église de la Trinité. Ses seules sorties étaient pour se rendre parfois à sa villa du Janicule.

Il entrait dans la cour. Les poules s’effarouchaient à sa venue ; les pigeons s’envolaient du toit de la chaise de poste. La première fois qu’il reparut à la cuisine, la vieille Barbara était assise auprès du feu. En le voyant, elle se leva et fit trois pas en arrière. Son long chapelet tinta entre ses doigts ; elle se signa triplement au front, à la bouche et à la poitrine, comme si elle eût vu le diable, et demeura un temps sans parler ; puis elle éclata.

Nicolas écoutait, la tête basse, l’algarade de sa vieille servante. Sa bouche édentée crachotait. Elle avait su par son neveu Cozzoli pourquoi son maître ne revenait plus au logis. Aussi l’accueillit-elle durement. Son rude langage n’épargna pas Olympia. Son mépris de dévote et de vieille fille se donnait cours.