Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/385

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de sa victoire, elle se coucha en rond, se pelotonna, mais chaque fois que son prisonnier faisait mine de descendre il voyait l’œil vigilant et la dent prête de son ennemie.

M. de Galandot vivait dans la maison comme s’il eût été une ombre transparente et irréelle. Il n’existait plus. Personne ne le considérait. Les premières fois qu’il croisa Angiolino dans un corridor, il se crut perdu. Angiolino passa comme s’il ne le voyait pas ; mais, à chaque nouvelle rencontre, M. de Galandot ressentait une peur nouvelle. Alors il feignait d’être absorbé par quelque occupation comme de gratter le mur ou de faire un nœud à son mouchoir. Plusieurs jours passèrent.

Peu à peu, M. de Galandot parut se rassurer. Il en vint même à essayer de faire remarquer sa présence. Il toussait et reniflait, mais sans parvenir à attirer l’attention du distrait Angiolino. Souvent il venait jusqu’au bas de l’escalier qui conduisait à la chambre d’Olympia. Il écoutait longuement. Le moindre bruit le mettait en déroute. Une fois même, il se hasarda à monter quelques marches. Un jappement lointain de Nina les lui fit redescendre précipitamment.

Quant à la signora, elle demeurait invisible. Il regardait tristement Julia ou Jacopo passer avec une assiette ou un plateau pour aller chez elle. Un jour il trouva sur une table un réchaud allumé. Il servait à faire chauffer le linge dont Olympia se séchait au sortir du bain. M. de Galandot, du coup, n’y tint plus et, avant que la servante fût venue prendre l’ustensile, il le saisit et se sauva avec, tout courant.