Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/419

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et un grand chapeau de paille blonde. L’abbé Hubertet lui sourit sans pouvoir parler, tandis qu’à genoux, devant son fauteuil, elle couvrait de baisers et de larmes une des mains du bon vieillard, de l’autre il adressait un petit salut amical à M. de Portebize, resté discrètement debout dans la porte, à côté de la célèbre urne de bronze vert.

L’abbé mort, Fanchon et François se trouvèrent nommés dans son testament, elle, avec amitié ; lui, avec éloge. D’ailleurs M. l’abbé Hubertet n’oubliait personne. À chacun son legs, même à la petite Nanette, qui eut, comme disait le texte, « les huit écus d’or noués au coin d’un mouchoir des Indes, et un petit miroir pour s’y regarder la joue, qu’elle a souvent rouge ». Les médailles, bas-reliefs, vases antiques et livres allaient au cabinet et à la bibliothèque du roi. L’abbé Hubertet se contentait d’en distraire, pour la léguer à M. de Portebize, en témoignage d’estime, la grande urne de bronze vert trouvée jadis à Rome par feu M. le comte de Galandot.

La mort de M. l’abbé Hubertet semblait, de par son grand âge, si naturelle qu’elle n’interrompit guère les plaisirs des deux amants. Ils goûtaient ceux de l’Amour et de la Nature. La maison de Neuilly en était l’asile et le théâtre. Tout y était gai et élégant, plus rustique que pompeux, car la mode momentanée consistait à se plaire aux charmes des champs et des jardins. Aussi tout prétendait à l’idylle et MM. de Créange et d’Oriocourt s’en aperçurent quand la fine Nanette eut poussé la porte de la salle où se trouvait M. de Portebize.