Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/422

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çaient sa course. Son écharpe se déroulait derrière elle, et ce fut ainsi qu’elle vint tomber sur la poitrine de son berger, la tête sur son épaule, les yeux clos et tout étourdie. Quand elle les rouvrit, elle aperçut MM. de Créange et d’Oriocourt qui la saluaient, essoufflée encore et rougissante sous son chapeau de fleurs.

La connaissance fut vite faite. Si Fanchon se montrait champêtre et amoureuse avec François de Portebize, elle savait fort bien que ce joli jeu ne devait intéresser que médiocrement les étrangers ; aussi avec eux redevenait-elle tout de suite piquante et spirituelle. Ces Messieurs, qui craignaient une petite niaise, admirèrent en elle une personne prompte, vive, gaie et même salée.

Durant la collation qui fut servie, on échangea les propos les plus divers et, au sortir de table, quand on fut se promener au jardin, Mlle Fanchon marchait entre MM. de Créange et d’Oriocourt, comme entre deux camarades, en débitant mille folies. L’amour, comme de juste, en faisait les frais, M. de Portebize venait derrière eux, ravi de cette bonne entente et fier de l’esprit de sa maîtresse. Au détour d’une allée, Fanchon se retourna pour dire à son amant :

— « Vos amis sont charmants, Monsieur, et je comprends pourquoi on vous appelait les inséparables. Quant à eux, il a dû leur arriver qu’un cœur ne les séparât point, et moi-même, à être leur maîtresse, j’eusse eu grand’peine à choisir entre eux. »