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LA DOUBLE MAÎTRESSE

que grasse, avec un grand air de hauteur et d’autorité. L’abbé resta incertain du reste. D’ailleurs, il ne s’y acharna pas et reporta tous ses soins sur le jeune Nicolas qui lui tombait à l’improviste entre les mains.

L’abbé Hubertet était un excellent choix. Jeune encore et fort savant, il se trouvait en tous points parfaitement capable de ce qu’on attendait de lui.

Sa laideur faisait passer son âge aux yeux de Mme de Galandot. Il avait trente-deux ans quand il débarqua à Pont-aux-Belles avec son petit bagage qui ne contenait guère plus que quelques nippes et quelques livres. On était en hiver ; il faisait froid et, bien qu’il ne fût pas tard, presque nuit. Nicolas croisa dans le corridor le nouveau venu qui gagnait sa chambre pour s’y apprêter avant de descendre en présence de Mme de Galandot. Dans l’obscurité, Nicolas ne parvint point à voir le visage de son maître.

Aux chandelles, l’abbé Hubertet montra une grosse figure aux joues rouges et comme fardées, des lèvres rebordées, des yeux petits et fins, des mains épaisses, des mollets maigres et un ventre proéminent, en tout, un ensemble favorable et jovial. Il portait une perruque ronde, un collet noir et le rabat bleu.

Entré dans l’Église par vraie piété, il n’y avait guère trouvé d’accueil. Les ordres réguliers lui répugnèrent : ils lui offraient, chacun selon la règle, une vie de mendiant, de goujat ou de policier ; aussi ne se résigna-t-il à devenir ni cordelier, ni franciscain, ni jésuite. Les couvents de haute