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LA DOUBLE MAÎTRESSE

presque mis le pied hors de Pont-aux-Belles et qu’elle parlait de filles qu’elle n’avait jamais vues, mais dont elle inventait des travers supposés. Il en ressortait pour l’abbé que Mme de Galandot était envenimée contre les personnes de son sexe d’une méfiance et d’une haine surprenantes autant que pour les hommes du plus hargneux mépris.

Une fois qu’elle était allée à la ville, pour affaires, voir l’évêque, elle rencontra chez lui Mlle de Pintel et son père. Ils habitaient les Meutes, qui leur venaient de l’héritage de M. d’Estance, leur parent. Mlle de Pintel était belle et jolie. Dix-huit ans, riche et gracieuse. L’abbé Hubertet, qui accompagnait Mme de Galandot, comme la voiture reprenait, au trot de son vieux cheval, le chemin de Pont-aux-Belles, lui fit l’une de ses ouvertures habituelles, lui représentant les agréments de cette jeune fille, le cas à faire d’une aussi estimable alliance et tant de convenances diverses et assorties. Mme de Galandot ne répondait guère, quand tout à coup elle éclata :

— « Tenez, l’abbé, et elle lui frappa le genou du revers de sa main osseuse, mon fils ne se mariera point, maintenant du moins, ajouta-t-elle pour corriger l’effet de ses paroles. Non, l’abbé, point de mariage, ni cette Pintel ni une autre pour le moment. »

L’abbé s’inclina à la brusquerie de la déclaration.

— « Grâce à mes soins, continua Mme de Galandot, mon fils ignore encore les femmes et presque jusqu’à leur vue, j’entends celles qui pourraient