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LA DOUBLE MAÎTRESSE

Mme de Galandot se leva, et l’abbé et son fils la virent par la fenêtre, qui parlait à une sorte de paysan debout devant elle. L’homme racontait quelque chose avec de grands gestes. Nicolas et l’abbé regardaient sans rien dire cette pantomime. L’homme congédié, Mme de Galandot rentra au château. On l’entendit marcher dans le vestibule et aller à son appartement.

Quelques instants après, elle fit appeler l’abbé Hubertet qui se rendit aussitôt auprès d’elle. Il la trouva assise dans son fauteuil et parfaitement calme. Il attendit qu’elle parlât la première. Elle semblait hésiter et cherchait le ton juste de sa pensée et le moyen de l’exprimer dans une exacte mesure. L’abbé remarquait cette contrainte inusitée quand elle débuta et lui dit :

— « Monsieur l’abbé, ce paysan vient de m’apprendre que mon frère est mort. »

L’abbé fit un mouvement de surprise qu’elle interpréta comme une velléité de condoléance qu’elle arrêta du geste.

— « Nous n’étions pas très liés, M. de Mausseuil et moi. Le sang seul unissait assez mal ce que d’un commun accord nous avions délié. Je ne vous dirai pas d’où vint cette rupture. Elle date de loin. Je pourrais vous dire que des intérêts nous ont divisés et vous me pourriez objecter que toutes rancunes cèdent devant la mort. Ce fut plus. M. de Mausseuil fut un homme abominable ; il m’a fait me haïr moi-même. Je ne veux pas même me souvenir de lui. Quand j’ai quitté Bas-le-Pré pour épouser M. de Galandot, j’ai fait serment de n’y