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LA DOUBLE MAÎTRESSE

rentrer jamais. Je tins parole ; je la tiendrai. »

L’abbé s’inclina silencieusement.

Elle reprit :

— « À la mort de mon père, je ne parus point à ses obsèques. Après cela, vous pouvez penser que mon frère a pu se marier et se remarier sans que je l’assistasse, pas plus à ses doubles noces qu’à son double veuvage, car ses deux femmes sont mortes avant lui. Aujourd’hui vient son tour ; je ne m’en mêlerai point. Pourtant il y a à prendre des mesures de convenance ; mes sentiments m’en dispenseraient si je ne devais à mon fils l’exemple de certains devoirs. C’est à votre entremise, Monsieur l’abbé, que je recours pour les accomplir. Vous allez partir pour Bas-le-Pré. J’ai pleine confiance en vous. Vous y règlerez tout pour le mieux et m’en rendrez au retour un compte exact. Le paysan qui est là, aux cuisines, vous emmènera dans sa charrette. Allez donc et revenez au plus vite, car nous avons pris de vous, mon fils et moi, une habitude dont nous aurons peine à nous passer. »

Une heure après, l’abbé Hubertet quittait Pont-aux-Belles au trot dur d’un petit cheval rouan et quand, après les cinq lieues de route, il arriva à Bas-le-Pré, il savait déjà en gros, de la bouche du paysan, le spectacle qui l’y attendait. Il avait démêlé, aux propos du gars, que la mort de M. de Mausseuil n’était que la suite funeste d’une vie de débauches et de violences dont le mauvais bruit lui était déjà venu aux oreilles et dont la catastrophe d’aujourd’hui vérifiait la rumeur commune.