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LA DOUBLE MAÎTRESSE

fils de toutes les occupations qui eussent convenu à son âge et auxquelles elle s’était opposée de toute la force de ses craintes.

En effet, Nicolas de Galandot ne savait rien des pratiques où se distraient d’ordinaire les gentilshommes de la province, qui trouvent dans l’usage de la meute et du cheval leur principal agrément. Sa mère s’était toujours refusée à ce qu’il courût la bête. Elle y voyait l’inconvénient de l’éloigner d’elle durant de longues journées et de l’accointer forcément à la jeunesse du voisinage. Elle redoutait, outre les péripéties parfois dangereuses de l’hallali, les repas bruyants qui suivent les curées. Elle craignait que son fils ne revînt de là, la tête pleine de l’aboi des chiens, du son des cors, des jurons des piqueurs et des propos libertins des compagnons qu’il ne manquerait pas de faire à ces parties et qui l’entraîneraient forcément soit à délaisser Pont-aux-Belles, soit à y introduire une compagnie dont la présence lui eût été, à elle, odieuse et eût troublé d’une choquante disparate sa vie haute, rigide et solitaire.

Elle craignait que le doux et sage Nicolas n’acquît à ces contacts cette sorte de brutalité dont elle gardait un fâcheux souvenir pour en avoir souffert jadis dans ses proches aux temps, maintenant lointains, de sa jeunesse.

Donc Nicolas de Galandot n’apprit ni à manier l’épieu ni à chausser l’étrier, car sa mère craignait les chevaux pour le péril continuel qu’il y a à leurs caprices. Les plus doux en prennent d’inattendus et elle rappelait souvent à Nicolas qu’une