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LA DOUBLE MAÎTRESSE

elle les avait reçues déjà durant son séjour à Pont-aux-Belles lui en rendaient le souvenir fort cuisant. La fête s’en réglait ainsi. Le vieux jardinier Hilaire, mandé pour la circonstance, entrait, ses sabots à la main et une poignée de branchettes de l’autre, dans la salle où se tenait Mme de Galandot, au fond d’un grand fauteuil, les lunettes sur le nez. Hilaire, qui était brave homme, choisissait au fagot des brindilles bien sèches, qui cassaient tout de suite ; mais Julie n’en gardait pas moins, sa robe baissée, les fesses un peu chaudes et les joues allumées d’avoir crié d’avance sans peur et même sans larmes, mais pour donner à sa tante une haute idée du châtiment. Aussi, quand elle vit, au retour, Nicolas ralentir le pas et s’arrêter devant le banc, appréhenda-t-elle pour le soir la punition d’usage.

La vérité est que Nicolas se sentait fort embarrassé ; il remuait le sable du bout de sa canne pour se donner contenance. Julie, qui avait pris son parti de l’événement, le regardait avec malice ; puis, soudain, elle nettoya de sa mignonne main les feuilles et les graviers qui couvraient le banc et, se reculant tout au bout, comme pour faire place au survenant, elle fit bouffer sa robe et considéra avec attention la pointe impatiente de ses petits pieds en suspens et qui ne touchaient pas terre.

L’embarras de Nicolas de Galandot augmenta au point que, ne sachant que faire ni comment s’en aller, il s’assit sans rien dire bien à l’extrémité du banc, les mains ballantes et sa bonne figure toute rouge de malaise.