Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/353

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rité et même d’ostracisme où leurs voisins anglais prétendaient les maintenir, dénigrant leur origine, leur langue, leurs institutions et leur rappelant, plus que de raison, leur état de peuple conquis. Tous ces tisons de colère, qui depuis longtemps couvaient sous la cendre, s’enflammaient peu à peu à l’air de la liberté qui soufflait de la République voisine et menaçaient d’allumer l’incendie aux quatre coins du Canada. Papineau se faisait à la Chambre et dans les comices populaires, l’éloquent et tenace interprète des griefs et des revendications de ses concitoyens. À ses côtés et soufflant partout la même flamme patriotique, combattaient de vaillants champions : Cuvillier, Bédard, Viger, Quesnel, Neilson, Vallière de Saint-Réal, Bourdage, etc. Leur programme, qui allait prendre corps dans les « quatre-vingt-douze résolutions », demandait en substance la refonte de la Constitution, sur la base de l’élection du Conseil législatif, le droit pour la Chambre d’assemblée de contrôler et de voter les subsides, l’exclusion des fonctionnaires des deux Chambres, l’indépendance des juges, la responsabilité des membres du gouvernement devant les Chambres. Jamais cause plus juste ne mérita d’être défendue sur le terrain légal, avec une énergie plus opiniâtre et un dévouement plus absolu.

Mais bientôt le terrain légal lui-même allait manquer sous les pieds des défenseurs de l’indépendance canadienne. Les gouverneurs se succédaient au Canada, épousant tous les mêmes querelles et conservant les abus de pouvoir et les pratiques arbitraires qu’ils eussent si énergiquement combattus at home. Ne pouvant obtenir l’abdication du parti « réformiste », ni empêcher l’agitation de s’étendre, le cabinet anglais imagina,