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pour retrouver et employer tous les secrets de leur belle langue nationale. Une courageuse émulation s’est emparée de tous les esprits, et dès à présent on peut augurer que la langue française vivra au Canada autant que notre race elle-même, et qu’elle enrichira le répertoire de notre littérature de productions qui égaleront ou dépasseront même (ce qui ne sera pas toujours bien difficile) les œuvres de nos auteurs contemporains les plus prisés.

Ne vaut-elle pas les sonnets les mieux polis et les quatrains les plus finement ciselés de nos « parnassiens » du jour, cette strophe ailée, d’un essor facile et large, que nous empruntons à un poème de M. L.-H. Fréchette, intitulé : La voix d’un exilé :

Ô ruisseau gazouillant, ô brises parfumées,
Accords éoliens vibrant dans les ramées,
Soupirs mélodieux, sons suaves et doux,
Trémolos qui montez des frais nids des fauvettes,
Voluptueux accords qui bercez les poètes,
   Chants et murmures, taisez-vous !

Nous pourrions citer par centaines des strophes aussi belles, tirées de l’œuvre de ce poète, d’ailleurs jeune encore et qui n’a pas dit son dernier mot. Autour de lui, formant avec lui ce qu’on pourrait appeler la pléiade poétique du Canada contemporain, se range toute une phalange d’inspirés de la muse dont quelques-uns mériteraient de voir leurs noms connus et leurs ouvrages répandus en France : L.-P. Lemay, harmonieux et facile ; Elzéar Labelle, spirituel et caustique ; François Mons ; W. Chapman, dont nous avons lu dans la Patrie plusieurs pièces d’une facture correcte et d’un grand style Octave Crémazie, sans égal pour évoquer, dans une langue d’un rythme sonore et pathétique, ce qu’il appelle lui même :

« Tout ce monde de gloire où vivaient nos aïeux. »

M. Fréchette dit de ce dernier, enlevé trop tôt au culte des lettres : « Son défaut était la négligence. Il ne travaillait pas