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Comment Pantagruel loue le conſeil des muetz.

Chapitre XIX.


Pantagrvel, ces motz acheuez, ſe teut aſſez longtemps, & ſembloit grandement penſif. Puys diſt à Panurge. L’eſprit maling vous ſeduyt : mais eſcoutez. I’ay leu qu’on temps paſſé les plus veritables & ſceurs oracles n’eſtoient ceulx que par eſcript on bailloit, ou par parolle on proferoit. Maintes foys y ont faict erreur ceulx voyre qui eſtoient eſtimez fins & ingenieux, tant à cauſe des amphibologies, equiuocques, & obſcuritez des motz, que de la briefueté des ſentences. Pourtant feut Apollo dieu de vaticination ſurnommé Λοξίας[1]. Ceulx que l’on expoſoit par geſtes & par ſignes, eſtoient les plus veritables & certains eſtimez. Telle eſtoit l’opinion de Heraclitus. Et ainſi vaticinoit Iuppiter en Amon : ainſi prophetiſoit Apollo entre les Aſſyriens. Pour ceſte raiſon le paingnoient ilz auecques longue barbe, & veſtu comme perſonaige vieulx, & de ſens raſſis : non nud, ieune, & ſans barbe, comme faiſoient les Grecz. Vſons de ceſte maniere : & par ſignes ſans parler, conſeil prenez de quelque Mut. I’en ſuys d’aduis (reſpondit Panurge). Mais (diſt Panta-

  1. Λοξίας. De λοξός, oblique.