Page:Rabelais ou imitateur - Le Disciple de Pantagruel, éd. Lacroix 1875.djvu/91

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jouent, ou qu’ilz vont à la taverne, comme sont souventesfoys d’aulcuns de par deçà.

Il est bien vray que, si aulcuns d’eulx veulent changer d’estat et vocation après qu’ilz sont refonduz, ils le peuvent faire.

Pour ce que vous me pourriez demander, Capitaine, qui leur fille du linge, des chemises, des draps et des nappes par delà, je vous responds qu’il y a des arbres au pays, desquelz les ungs portent l’escorce plus fine, plus blanche, plus belle et plus déliée que toutes toilles ny tous les taffetas du monde ; et usent de cela au lieu desdictes toilles ou tafietas. Et quand ilz en ont affaire, ilz ne font que escorcher iceulx arbres. Il y en a d’aultres desquelz l’escorce est fin velours, fin satin ou fin damas de toutes couleurs ; desquelz chascun peult prendre tout ainsi qui luy plaist, et en faict ses habitz telz que bon luy semble ; et quand iceulx arbres ont esté ainsi escorchez, l’escorce leur revient derechef plus belle et plus fine qu’au paravant. Car pour ce moyen ilz n’ont que faire de femmes pour porter enfeins, pour filler, pour tirer les vaches, ny pour vendanger. Je ne vous en vouldroys pas mentir, car j’ay bons tesmoings assez en ma compagnie, qui ont veu toutes ces choses comme moy, et qui sont aussi dignes de croire comme je suys. Je sçay bien qu’il semblera à d’aulcunes gens, qui n’ont rien veu, que je mentz ; mais je vous asseure pour verité qu’il est vray. Et pource, croyez tout fermement que