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elle. Une toute petite étoile demeurait encore dans le bleu, vacillant comme une larme au bord d’un cil invisible. La nuée s’avançait lentement, sombre, épaisse, inévitable. L’étoile fut obscurcie et enfin disparut.

Renée examinait alors la roche derrière le temple où chantonnait l’eau de la vasque. Il lui semblait que les herbes hautes, les rideaux de lierre s’agitaient tout autour. Elle songea à miss Bell et eut l’horrible idée que la chienne grattait le sol. Cela arrive quelquefois dans les campagnes quand on enfouit mal les animaux morts. Son cœur battait affreusement ; elle avait un cri au fond de la gorge et ce cri ne pouvait pas sortir. Un corps humain glissa le long de la pierre et exécuta un bond joyeux. Il s’était retourné du côté du château et l’avait aperçue. C’était Bruno, qui espérait peut-être la surprendre dans sa salle de bain.

— Le malheureux ! » fit Renée les bras tendus.

En quelques minutes Bruno fut au bas de sa fenêtre :

— Viens, dit-elle, il est tard et j’ai à te parler. »

Bruno rapportait un superbe bouquet de liserons sauvages. D’un geste gamin, il le lança sur l’appui sculpté.

— On peut te voir, malgré le crépuscule ! dit brusquement Renée.

— Orgueilleuse, murmura-t-il », et il devint tout triste.

Comme elle avait honte de lui !