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d’un ton indifférent et hautain, ne se donnant pas la peine de dire : Maldas.

— Il n’est pas revenu, Mademoiselle !

— Clampin ! il vole toujours des vacances quand j’ai besoin de lui, » tonna le général.

Le policier déplora cette absence, puis, la tête légèrement montée par des vins exquis, la tenue moins sévère, il prit place dans la calèche qu’on avait attelée d’après les ordres de Renée, et, enchanté d’une visite si bien terminée après le fâcheux accueil de M. Fayor, il alla attendre à Montpellier l’express de Paris, ce même train qu’aurait dû rejoindre Victorien Barthelme au moment où une roche était retombée dans les jardins de Tourtoiranne.

Mlle Fayor, inquiète, s’accouda au balcon de sa chambre. Elle voulait voir Bruno avant la nuit, parce qu’elle ne pouvait plus monter chez lui ; à présent ce serait odieux. Le danger s’éloignait avec l’homme de police, mais ce n’était qu’un répit, et il fallait que Bruno, pour qui elle prévoyait un autre interrogatoire plus sérieux, n’eût pas vu Barthelme avant son départ de Paris. Un soupçon sur l’enfant…, il ne fallait pas.

Renée regardait le ciel. Un orage était imminent. De suffocantes bouffées de parfums s’échappaient des massifs, et les verveines multicolores répandaient une odeur enivrante qui remplissait la chambre à coucher. Au-dessus de la colline tournoyait un énorme nuage ayant la forme lourde d’un rocher surplombant un abîme. Renée le sentait planer tout entier sur