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nono

— Quand il s’est présenté, continua Renée défaillante, s’est-il fait annoncer ? »

— Non, il prétendait être un camarade. »

Renée respira.

Tu es sûr ? »

Bruno se rembrunit et bouda… C’était moins drôle.

— Allons, c’est bien, dit-elle rassérénée ; à présent, va souper. Tu n’as mangé que de l’amour aujourd’hui, et ce n’est pas assez. Ton bouquet est charmant, merci ! »

Elle le poussa doucement en refermant la porte. Nono s’adossa contre la muraille redevenue noire.

Mlle Fayor ôta les branches de corail qui ornaient ses cheveux et se jeta tout habillée sur le lit. Elle savait que le sommeil lui était interdit durant la nuit, et elle profitait des soirs clairs de l’été pour essayer de goûter un peu de repos. Elle rêva les yeux fixés sur les liserons dont les corolles immaculées caressaient l’amour de marbre.

Chose étrange ! Elle aimait Nono. Nono sage comme une vierge, elle l’aimait en viveur… comme ces viveurs qui, se sentant pris jusqu’aux moelles, deviennent respectueux malgré leurs sciences impures.

Seulement Renée n’avait pas l’espoir de cette éternelle récompense du respect qu’on nomme le mariage. Les assassins ne se marient pas !

Elle finit par s’endormir, n’osant plus rêver.

Un roulement profond, pareil à une chute de pierres gigantesques l’éveilla au milieu des ténèbres. Il était près de neuf heures et demie. Elle se leva en