Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
nono

sursaut. La formidable réalité se dressa de nouveau entre elle et ce frais bouquet sauvage. Elle recommença sa promenade nocturne autour de la peau du lion qui regardait avec des yeux glauques cette tigresse verrouillée dans une cage de soie.

— Je me tuerai ! je me tuerai ! répétait-elle, couvrant ses oreilles de ses mains crispées ; puis elle eut une faiblesse. J’ai peur ! dit-elle en se collant contre sa porte fermée, prise d’une tentation folle d’aller chercher Bruno. »

Un coup timide, frappé pendant une accalmie, lui répondit derrière la cloison. Elle se pencha plus épouvantée encore.

— Qui frappe ? Qui se permet d’être là ?

— Moi Renée ! je ne veux pas que vous ayez peur, je ne demande pas à entrer, je vous garde. »

Elle ouvrit la porte avec violence.

— Toi, dit-elle, je te chasse, entends-tu ?… »

Bruno s’était couché sur l’étroit tapis de laine du corridor. Il dormait, allongé en terre-neuve, quand le cri de Renée l’avait fait tressaillir… et il avait répondu…

Il se mit à genoux :

— Quel mal puis-je te faire ? Ce tapis n’est pas doux, et le pas le plus léger m’éveillerait… personne ne peut me voir… je t’assure ! »

Sans rien ajouter, elle l’attira, prise d’une de ces tendresses soudaines qui la domptaient complètement.

Bruno dépassa le seuil, toujours à genoux. Elle referma la porte.