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bruns de la calèche. Un grand propriétaire, un député, résidait là !… Les Combasses !…

Elle amena sa monture sur le versant du plateau en frissonnant de tous ses membres. En effet, un parc abandonné emplissait de broussailles et de futaies inextricables la vallée creusée en entonnoir et ne semblant pas avoir d’issue. On voyait dans une percée, ménagée exprès jadis mais obstruée de plantes grimpantes maintenant, un vieux pan de muraille noire. Était-ce une ruine ou la maison même ? Renée l’ignorait tout en se rappelant le site.

Les barrières effondrées du parc laissaient admirer des troncs d’arbres dont la grosseur merveilleuse témoignait des soins dont on avait dû entourer leur enfance et de la liberté qu’on leur donnait à présent. Il y avait toutes les essences : sapins, marronniers de l’Inde, cèdres, saules, acacias.

Le parc, par sa singulière disposition, s’enfonçait dans les replis du terrain comme un labyrinthe renversé et de tous côtés n’avait que des bruyères pour horizon.

Un silence mortel planait. Les oiseaux devaient supposer que le crépuscule était éternel sous ces arbres.

Renée commença à descendre lentement, cherchant des yeux le chemin de l’étang. À l’entrée du parc, elle poussa une exclamation sourde : le hasard l’avait servie à souhait. Elle se retourna et fit siffler sa cravache sur miss Bell. La chienne comprit. Enchantée du repos accordé, elle alla s’étendre, haletante, dans la nuit d’un sapin centenaire.