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— Est-ce grave ? fit-elle, tandis que le duc trempait soigneusement des compresses d’arnica, et qu’une grosse cuisinière, venue là pour la forme, étant l’unique femme de la maison, poussait des cris désespérés :

— Ah ! la pauvre dame ! quelle écorniflure ! Est-elle pourtant jolie !

— Mademoiselle, répondit le duc, les coups à la tête sont comme les grandes passions. Cela peut aller jusqu’au cœur, ou se dissiper dans les fumées du cerveau. Si je vous avoue mon diagnostic, c’est que je vous crois un front d’airain. »

Il posa sa compresse, tandis que, pour se donner une contenance, Mlle Fayor examinait l’appartement.

On l’avait transportée dans un salon remarquablement meublé : lampas indien, consoles dorées, haut bahut de bois des îles, tapis de Smyrne, lustre rocaille, et, pendus aux murs tapissés de cuir repoussé, des portraits de femmes d’une grande beauté. Une fumeuse surtout attira l’attention de la jeune fille. Elle était capitonnée en peau de Suède, avec boutons de vermeil ciselé. Devant la fumeuse, un attirail assorti. À droite, des piles de livres presque tous ouverts et ayant en travers des couteaux à papiers à manche d’ivoire, de malachite, de peluche, de corail, de nacre ou de perles. À gauche, un palmier émergeant d’une caisse d’ébène ornée d’émaux de Sèvres. Certes, pour une ruine, le domaine des Combasses était singulièrement meublé !